Face à la pression croissante des Etats-Unis, les appels à la démission des responsables se font pressants. Les possibilités légales sont modestes en Suisse. Restent les rapports de force.
Comment se débarrasser de dirigeants bancaires dont on ne veut plus? La question se fait pressante autour des hauts responsables de Credit Suisse, sévèrement critiqués pour leur attitude face aux accusations américaines d’assistance à évasion fiscale.
A l’instar du président du Parti socialiste, Christian Levrat, plusieurs voix exigent les têtes d’Urs Rohner, de Brady Dougan, voire de Romeo Cerutti, respectivement président, directeur général et directeur juridique de la grande banque.
L’agacement est perceptible même auprès de ceux qui, par principe, ne réclament pas de têtes. Le conseiller national PLR genevois Christian Lüscher, proche des banques, appelle Credit Suisse à faire preuve de «responsabilité». La semaine dernière, le fiscaliste Xavier Oberson a déploré, lors de la Journée Solutions Bancaires à Genève, «l’absence d’intervention de la Finma en 2009 face à Marcel Ospel».
La décision de démettre les dirigeants de la banque revient à deux organes: l’assemblée générale des actionnaires et l’autorité de surveillance financière. Or, la première, qui s’est réunie vendredi 9 mai, a confirmé le conseil d’administration avec une très large majorité.
La seconde, la Finma, dispose d’une arme redoutable: les banquiers doivent faire la preuve d’une activité irréprochable. S’ils défaillent, le régulateur a le pouvoir de les démettre. Ce serait le cas s’il s’avère que les hauts dirigeants de la grande banque ont permis sinon encouragé des subordonnés à enfreindre les règles.
Le problème est d’établir les infractions. Pourtant la loi est claire: elles doivent être concrètes et démontrées par des pièces, par exemple des e-mails envoyés ou répercutés par le dirigeant fautif disant explicitement aux subordonnés de violer les règles. Or de tels documents sont pour ainsi dire inaccessibles. D’autant plus que l’autorité de régulation préfère concentrer ses forces sur d’autres priorités plutôt que de les retrouver. Mais ils peuvent apparaître dans le cadre d’une enquête pénale, voire être produits par un tiers, par exemple un employé.
Les probabilités qu’une telle preuve émerge en Suisse sont assez faibles. C’est donc du côté des enquêteurs américains qu’elle pourrait apparaître, amenant la Finma à sévir.
La Banque nationale peut, elle aussi, agir. Garante de la stabilité financière de la Suisse, elle est très attentive à la solidité des banques. Si l’une d’elles risque d’être déstabilisée en raison d’une amende dépassant ses moyens, elle est fondée à intervenir pour éviter une faillite catastrophique. Et peut exiger, en contrepartie, le départ des responsables.
C’est ainsi sous la pression de la BNS, et non pas de la Finma, que Marcel Ospel a dû se résoudre à quitter la présidence d’UBS en mai 2009 lors de l’assemblée des actionnaires. Sa responsabilité dans la déconfiture d’UBS, qui avait nécessité un sauvetage de près de 50 milliards de francs l’année précédente par la Confédération et la BNS, était trop flagrante.
Cette situation ne se répétera toutefois pas pour le CS car il a largement de quoi payer la forte amende que s’apprêtent à lui infliger les Etats-Unis. Seul un retrait de sa licence bancaire américaine peut mettre son existence en péril, une issue contre laquelle se bat Eveline Widmer-Schlumpf depuis plusieurs semaines et qui a justifié sa visite au ministre américain de la Justice, Eric Holder, début mai.
Il est fort possible cependant que la cheffe du Département fédéral des finances exige, pour le prix de son intervention, la tête de MM. Rohner et Dougan, surtout si leur pleine responsabilité est confirmée. Elle ne dispose pas d’un pouvoir tel qu’elle puisse l’obtenir de façon directe. Mais elle peut en suggérer l’idée à la BNS, voire à la Finma.
