Dernier volet de notre série avec «The Leaderless Economy». Le passé montre qu’un grand pays doit prendre la tête des mesures pour permettre la reprise économique.
Qu’un pays veuille bien se lever et montrer le chemin de la sortie de la crise! Telle est, très résumée, la thèse défendue par deux économistes, un Américain et un Britannique, pour trouver une issue à l’interminable marasme provoqué par les subprimes et la faillite de la banque Lehman Brothers en 2007 et 2008.
Le G20 s’était mis d’accord pour un plan collectif de sortie de crise en septembre 2009. Les échanges globaux devaient être rééquilibrés afin de permettre une reprise de l’activité, qui soulagerait les plus endettés d’un fardeau de plus en plus insupportable. Hélas, près de quatre ans plus tard, le constat des auteurs est amer: ces grands principes ne se réaliseront guère, à moins qu’un grand pays n’affirme sa prééminence sur les autres.
Ce rôle, l’Allemagne, leader naturel de la zone euro, ne veut pas l’assumer. Les Etats-Unis, qui rêvent de leur gloire passée, mais, écrasés par leur fantastique dette publique, ne sont plus en mesure de l’endosser. Quant à la Chine, superpuissance montante, elle est davantage préoccupée par ses problèmes intérieurs que par ceux du reste de la planète. Il y a pire: Américains et Européens s’enfoncent dans la crise. «Les responsables politiques semblent destinés à répéter les erreurs des années 20», critiquent les auteurs, Peter Temin et David Vines. Qui espèrent néanmoins la mise en place d’une coopération entre les principales puissances pour renverser la vapeur.
L’histoire est pourtant riche d’enseignements. Les phases d’expansion économique ont été celles où le ton était donné par une puissance dominante. L’Empire britannique jusqu’à la Première Guerre mondiale, les Etats-Unis au lendemain de la Seconde. En revanche, les périodes de stagnation, voire de régression, sont caractérisées par le fait qu’aucun pays ne parvient à imposer un modèle, ou du moins à imprimer une direction générale.
Ce marasme était la marque des années 20. Epuisé par la guerre, Londres n’avait plus les moyens de faire valoir ses choix et s’est laissé entraîner dans une politique de réparations de guerre qui s’avéra suicidaire. Quant aux Etats-Unis, alors puissance montante du moment, c’est la volonté qui a fait défaut. Par conséquent, les acteurs économiques ont pensé trouver refuge dans un mécanisme censé tout régler de lui-même, l’étalon-or. Qui n’a amené que déflation et misère et a accentué la dépression des années 30.
La réussite américaine. Au contraire, la prééminence incontestée des Etats-Unis dès 1944 a permis de poser un cadre au développement d’après-guerre: effacement des dettes (surtout allemandes), aides massives à la reconstruction économique (plan Marshall), système monétaire basé sur le dollar (Bretton Woods). Edifié en premier lieu sur la base des travaux de l’économiste John Maynard Keynes, il a été réalisé grâce à l’effort important de Washington et à l’absolue incapacité des autres pays (hors bloc soviétique) de proposer des solutions. Il a débouché sur la longue phase d’expansion des trente glorieuses, achevées au début des années 70.
La démonstration de ce livre n’échappe pas à une certaine lourdeur académique ni à quelques technicités scientifiques. Mais elle a le mérite de proposer une explication pertinente sur les raisons de la persistance de la crise.
«The Leaderless Economy. Why The World Economic System Fell Apart And How To Fix It». De Peter Temin et David Vines. Princeton University Press, 255 pages.

