Daniel Riedo,directeur général de Jaeger-LeCoultre, compte beaucoup sur la formation interne des horlogers pour répondre à une demande en constante hausse.
Après avoir en six mois visité les 29 filiales de la société qu’il dirige depuis le 1er juillet 2013, tout juste de retour de Moscou, Daniel Riedo (53 ans) n’a pas de quoi se faire trop de souci quant à la marche des affaires horlogères.
Quel est l’état de santé de votre manufacture?
Excellent. Depuis 2009, la croissance de Jaeger-LeCoultre est continue. La demande des marchés pour des produits toujours plus techniques et complexes est forte. Le niveau de nos stocks dans nos réseaux de distribution et nos boutiques reste très bas. Dès lors, notre principale limite demeure notre capacité à répondre à cette demande et à livrer nos montres.
Quelles en sont les conséquences?
Elles sont parfois inattendues. Voyez la ligne Rendez-Vous, exclusivement réservée aux dames. Nous avons observé que certaines femmes achetaient les montres à quartz par dépit, faute de pouvoir se procurer les mouvements mécaniques qu’elles avaient l’intention de s’offrir! La clientèle féminine est toujours plus attirée par les moyennes et grandes complications. C’est pourquoi nous arrêtons cette année la production de montre Rendez-Vous à quartz.
Vous manque-t-il des collaborateurs pour satisfaire cette forte demande?
Nous présentons régulièrement des offres d’emploi. La moitié de nos horlogers au sein de la manufacture viennent des écoles d’horlogerie, notamment celles de la vallée de Joux au Sentier et de Porrentruy dans le Jura. Pour étendre nos possibilités de recrutement, nous avons notamment engagé des horlogers qualifiés en provenance de France, formés dans les écoles d’horlogerie de Rennes et de Bordeaux, par exemple, mais c’est marginal.
Est-il toujours aussi difficile de trouver des collaborateurs?
S’il est relativement aisé de recruter du personnel peu ou moyennement qualifié, trouver sur le marché des horlogers capables d’assembler une grande complication est impossible. Nous devons donc les former à l’interne. Heureusement, Jaeger-LeCoultre, par son histoire et la maîtrise de toute sa chaîne de production, permet à un jeune collaborateur talentueux et persévérant de progresser de longues années en son sein, jusqu’à devenir très expérimenté, et peut-être un jour capable d’assembler la très complexe Hybris Mechanica.
Est-il exact que Jaeger-LeCoultre est à l’origine de la formation duale dans la vallée de Joux?
Il semble en effet que oui. Nous formons environ 8 à 10 apprentis chaque année. Au total, nous devrions en avoir formé de 150 à 175, dont plusieurs sont encore à la manufacture. Les apprentissages sont par ailleurs complétés par une stratégie de formation interne, avec notamment des programmes de deux à huit mois visant à développer les compétences et à supporter notre politique de mobilité interne. Notre prochain projet consiste à installer un lieu dédié à cette formation interne au sein de la manufacture.
Que représentent les Français?
La moitié des collaborateurs.
Quelles seraient pour votre entreprise les conséquences de l’acceptation par les Suisses de l’initiative de l’UDC contre une immigration de masse?
Jaeger-LeCoultre n’est pas concernée par cette question.
Avant d’être suisse, votre entreprise est très européenne!
Non, elle est très vallée de Joux. C’est un Genevois qui vient de chez Rolex qui vous l’affirme!
Que voulez-vous dire?
Les gens d’ici sont très fiers de leur vallée, quand bien même ils n’y séjournent que depuis une ou deux générations. Et ils sont encore plus fiers de leur entreprise. Il est rare que des collaborateurs travaillant chez Jaeger-LeCoultre au Sentier aillent au Brassus chez d’autres confrères. Et réciproquement, d’ailleurs.
Vous-même, vous ne résidez pas à la vallée de Joux…
En effet je réside à Collonge-Bellerive. Etre pendulaire en sortant de Genève est plus facile qu’en y entrant, même s’il me faut au moins une heure et demie pour aller de mon domicile à la manufacture. Heureusement, je passe par le col du Marchairuz, qui m’offre un paysage extraordinaire. Qui plus est, je ne me rends pas quotidiennement au Sentier. Je voyage beaucoup et l’aéroport de Genève-Cointrin n’est pas loin de chez moi.
