Plus de 3000 entreprisessont nées dans le canton en 2013. Les plus créatives s’imposent dans les secteurs des nouvelles technologies, des biotechnologies et des technologies médicales. Mais pas seulement! Imprimantes 3D, montres intelligentes, jeux en ligne ou chaussures enroulables: notre sélection.
Dossier réalisé Par Séverine Géroudet, Thomas Pfefferlé et Gabrielle Cottier
Développer un traitement contre le cancer, démocratiser l’utilisation de l’imprimante 3D, concevoir une smartwatch unique… les jeunes entrepreneurs genevois ne manquent pas de créativité. «Avec ses hautes écoles et ses universités, l’arc lémanique est un terreau fertile pour la création d’entreprises, note Raphaël Cohen, directeur académique du diplôme en Entrepreneurship & Business Development à HEC Genève. De par son caractère international, Genève offre de nombreuses possibilités.» En 2013, le canton a vu naître plus de 3000 nouvelles sociétés, selon les données du registre du commerce. Parmi elles, des start-up innovantes qui se développent dans des marchés encore peu exploités.
Ouvrir le champ des possibles. «Nous assistons à une véritable autonomisation de l’activité professionnelle, poursuit le spécialiste. Les gens se prennent en main, ils ne veulent plus être employés par la même société jusqu’à leur retraite. La réussite phénoménale de compagnies, comme Google, parties de rien il y a quelques années seulement ouvre encore davantage le champ des possibles.»
Autour de cette tendance, un nouvel écosystème s’est mis en place: accompagnement à la création d’entreprise, concours avec soutien financier à la clé ou encore incubateurs. Les jeunes entrepreneurs sont entourés, mais le financement et la recherche d’investisseurs demeure une étape délicate. Pour certaines, le crowdfunding, un système de financement participatif via internet, se profile comme une solution prometteuse.
A Genève, de nombreuses start-up visent la biotech et la medtech. «Il s’agit d’une volonté politique. Ces entreprises ont à leur disposition de nombreuses infrastructures, indique Raphaël Cohen. Mais le vrai boom se situe dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication, car il est plus facile de déployer un projet informatique à grande échelle.» Le secteur des services, depuis toujours parmi les plus performants du pays, reste également très prisé par les créateurs d’entreprise genevois. Largeur.com
Nouvelle thérapie contre le cancer du cerveau
En 2007, la docteure en biologie Virginie Clément-Schatlo et une équipe de chercheurs de la faculté de médecine et des Hôpitaux universitaires de Genève réussissent pour la première fois à isoler les cellules à l’origine des tumeurs du cerveau, les «cancer-initiating cells» (CIC). Une fois sa technologie brevetée, la jeune chercheuse fonde Stemergie Biotechnology en 2010.
Sous l’actuelle direction du Dr Kees Lucas, l’entreprise développe des traitements et des outils diagnostiques pour ces cellules jusqu’alors résistantes aux thérapies classiques. «Notre objectif consiste à trouver un complément au traitement du glioblastome, une variante très agressive de cancer du cerveau, explique Rutger van Zwieten, chargé de la stratégie scientifique de l’entreprise. Les médicaments existants prolongent l’espérance de vie de seulement deux mois et demi, car ils ne parviennent pas à affecter les CIC.» La société travaille sur quatre molécules qui montrent une efficacité prometteuse contre les CIC. Parvenir à les éliminer permettrait de prolonger de manière significative l’espérance de vie des malades. Stemergie a également pour but de collaborer avec l’industrie pharmaceutique, de mener des études cliniques avec des neuro-oncologues ou encore d’appliquer sa technique à d’autres cancers. La société, actuellement en quête d’un nouveau financement de 5 millions de francs, souhaite élargir son équipe à six ou huit collaborateurs. «Nous sommes la seule société au monde à développer cette nouvelle thérapie contre le cancer, souligne Kees Lucas. Nous prévoyons de commercialiser notre traitement d’ici à trois ans, avec un partenaire.»
Stemergie Biotechnology
Fondatrice: Virginie Clément-Schatlo, 35 ans
Année de fondation: 2010
Collaborateurs: 3
Investisseurs: entités privées
Repousser les limites de l’impression 3D
C’est en 2012, en voulant fabriquer un sèche-cheveux pour sa femme, que Mark Vujicic, étudiant en génie mécanique à la Haute Ecole du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève (Hepia), élabore sa première imprimante 3D. «Dès lors, il n’a cessé d’en construire d’autres, raconte Alexandre Perez, étudiant en microtechnique. Je l’ai rejoint en 2013 et nous avons fondé 3Dfunlab grâce à la femme de Mark, Libéra, qui a investi 20 000 francs dans notre projet.» Soutenus par l’Hepia, les deux étudiants installent leur laboratoire au sein de l’école. Leur objectif? Créer l’imprimante 3D la plus performante possible et en démocratiser l’utilisation.
A ce jour, l’entreprise a développé une dizaine d’imprimantes 3D. Cinq ont été vendues à l’Hepia et deux à des entreprises automobile et pharmaceutique. Mais c’est avant tout la recherche et le développement qui motivent les deux entrepreneurs: «Nous essayons de repousser les limites de l’impression 3D, poursuit Alexandre Perez. Actuellement, je travaille sur l’impression d’objets en chocolat, et Mark sur le bioprinting, un procédé qui utilise des cellules vivantes comme matière d’impression.» L’entreprise développe également le scanning 3D: «Nous planchons sur un modèle qui permettrait de scanner une personne entière et de la reproduire en miniature.»
Afin de se perfectionner et de tester ses machines, la start-up propose la réalisation d’objets 3D aux industries et aux particuliers. «Cela nous permet de tourner. Notre objectif pour fin 2014 est de construire une imprimante 3D 100% suisse car, jusqu’ici, la plupart de nos pièces viennent de l’étranger.»
3DFunlab
Fondateurs: Mark Vujicic, 30 ans, Alexandre Perez, 24 ans
Année de fondation: 2013
Collaborateurs: 4
Investisseurs: autofinancement
Des jeux vidéo innovants
Shaban Shaame, fondateur d’EverdreamSoft, a inventé Moonga, un jeu de cartes stratégique en ligne qui a été téléchargé 300 000 fois. Les joueurs y accèdent sur leur smartphone et tablette via une application. Le but: collectionner des cartes et affronter les autres joueurs. L’application est gratuite mais, pour progresser plus vite, l’utilisateur peut acheter des cartes supplémentaires. «J’avais développé initialement le jeu sur le web, indique Shaban Shaame. Puis, avec l’arrivée des smartphones, j’ai saisi l’opportunité d’en faire un produit commercial et recruté une équipe pour lancer une première version de l’application.»
Le jeu connaît rapidement un gros succès au Japon. «Nous n’avions pas visé ce marché en particulier mais, vu l’engouement, nous avons rapidement traduit le jeu en japonais.» L’équipe d’EverdreamSoft s’agrandit. En 2012, ils sont dix à travailler sur une deuxième version, qui séduit particulièrement le marché français.
Entre 2012 et 2013, la concurrence se fait ressentir. Au Japon surtout, les grands noms du jeu vidéo développent des produits similaires à Moonga. Dans ce climat hypercompétitif, EverdreamSoft décide de réduire ses effectifs et de miser sur l’innovation. Elle développe alors des cartes physiques munies d’une puce. A l’aide de son smartphone, l’utilisateur peut les scanner et les ajouter à son jeu virtuel. «Nous développons également un nouveau concept avec le studio zurichois Bitforge. Cette fois, nous nous sommes associés avec des éditeurs de poids en Allemagne, en Corée et aux Etats-Unis.»
EverdreamSoft
Fondateur: Shaban Shaame, 29 ans
Année de fondation: 2010
Collaborateurs: 3
Investisseurs: Venture Kick, Raphaël Arrigoni, fondateur de Pixelux Entertainment
Installations interactives sur mesure
C’est grâce aux 10 000 francs et aux conseils reçus lors du concours Venture Kick, qui soutient les business plans innovants, que Xavier Righetti lance son entreprise en 2011. Le projet de ce jeune diplômé de l’EPFL: lier le monde virtuel au monde réel à travers la création de logiciels et l’élaboration de produits interactifs.
«TheFabric Physical Computing développe des interfaces tangibles pour les sociétés et les particuliers, explique Xavier Righetti. Pour une commande du Muséum d’histoire naturelle, j’ai par exemple imaginé une installation interactive projetant, sur le sol, des insectes qui réagissent aux mouvements des visiteurs.» La start-up invente des systèmes sur mesure en fonction des besoins de ses clients.
«Pour cela, je mêle le software au hardware. Les logiciels que j’élabore se déploient sur des sites web, des applications mobiles ou des installations sonores, tactiles ou encore visuelles.»
L’entreprise est aussi active dans le domaine de la domotique. Xavier Righetti développe des systèmes électroniques visant à améliorer le confort et la sécurité des bâtiments, tout en réduisant leur consommation d’énergie. «Je conçois et imprime mes propres circuits électroniques. Je ne les vends pas de manière isolée mais les propose à travers des services. J’ai notamment collaboré avec les Services industriels de Genève. Mon agenda est complet jusqu’à fin 2014!»
TheFabric Physical Computing
Fondateur: Xavier Righetti, 32 ans
Année de fondation: 2011
Collaborateurs: 1
Investisseurs: autofinancement
Visiter les villes autrement
Depuis 2012, il est possible de visiter Paris et Bruxelles avec une application smartphone qui, par géolocalisation, fournit des informations audiovisuelles sur les lieux parcourus. C’est à la jeune entreprise Memoways que l’on doit ce nouveau dispositif touristique. Cette start-up développe des logiciels qui associent du contenu audiovisuel au contexte géographique et au comportement des utilisateurs.
«Nous proposons des vidéos interactives pour les musées, les chaînes de télévision ou encore les universités, détaille Ulrich Fischer, cofondateur de Memoways. L’idée consiste à rendre l’accès à l’information personnalisable. L’étudiant qui suit un cours universitaire en ligne pourra par exemple le remixer en sélectionnant uniquement les informations qui l’intéressent.»
Actuellement, Memoways travaille sur une bande dessinée interactive, en collaboration avec la société genevoise Bord Cadre films. L’objet pourra être lu de différentes manières, notamment grâce à des vidéos documentaires, en lien avec l’histoire. «Chaque lecteur accède à du contenu différent en fonction de sa façon de parcourir la BD», précise Ulrich Fischer. Memoways lance également des partenariats avec France Télévisions, la Ville de Genève, ainsi que des producteurs de cinéma au Canada. «Pour l’avenir, nous cherchons des investisseurs pour augmenter notre effectif et développer une plateforme commerciale solide.»
Memoways
Fondateurs: Ulrich Fischer, 43 ans, Nicolas Goy, 30 ans
Année de fondation: 2011
Collaborateurs: 3
Investisseurs: prêt de Fondetec
Ballerines de secours en boîte de nuit
Lors d’un séjour aux Etats-Unis en 2012, Andy César et Michael Almeida découvrent la ballerine enroulable, une chaussure de secours proposée aux belles en talons aiguilles via des distributeurs en boîtes de nuit. De retour à Genève, rejoints par Bénédict Barthe, ces jeunes diplômés de la Haute Ecole de gestion de Genève décident de lancer le concept en Suisse.
Soutenus financièrement par leurs proches, les trois entrepreneurs fondent la société Shoesly en février 2013. «Nous avons trouvé un fournisseur en Chine, dont nous avons vérifié la bonne conduite éthique, raconte Michael Almeida. Nous avons alors commandé 1000 ballerines et commencé le démarchage auprès des boîtes de nuit.» En août 2013, le premier distributeur est installé au Bypass, à Genève, suivi de peu par le D! Club, à Lausanne. Disponibles en trois coloris et en toutes tailles, les ballerines sont vendues au prix de 9 fr. 90. Pour chaque paire vendue, 50 centimes sont reversés à la Fondation genevoise pour le dépistage du cancer du sein.
Le produit est également en vente dans quelques boutiques genevoises pour 14 fr. 90 et sera distribué par Globus Genève dès avril. «Grâce à ce contrat avec Globus, nous espérons tripler nos ventes, dit Michael Almeida. Le produit proposé actuellement est très basique, pensé pour dépanner le temps de quelques heures. Nous planchons sur un nouveau modèle, plus solide et plus esthétique.» La start-up, qui continue de s’étendre en Suisse romande, convoite à présent le marché alémanique.
Shoesly
Fondateurs: Michael Almeida, 25 ans, Andy César, 25 ans, Bénédict Barthe, 27 ans
Année de fondation: 2013
Collaborateurs: 3
Investisseurs: «friends, family and fools»
Crossbow: la montre hyperconnectée
Après quinze ans d’expérience dans la haute horlogerie, Arny Kapshitzer se lance en 2012 dans le développement d’une smartwatch. Au contraire des bracelets avec écran numérique proposés récemment sur le marché, ce designer industriel veut créer une vraie montre, alliant mécanique horlogère et technologie de pointe.
«Après une année de démarchage infructueux auprès de marques de haute horlogerie, j’ai compris que je devrais lancer moi-même mon produit», raconte l’entrepreneur. Il s’associe alors avec Patrick Tran et fonde en 2013 la société Hyetis. La start-up se fait vite connaître par le biais de son site internet, qui accueille dès ses débuts plus de 15 000 visiteurs par jour. Afin de tester le marché, l’entreprise met en vente sa smartwatch sur plan et les commandes explosent.
Grâce à un récent partenariat avec une importante firme européenne, Hyetis vient de terminer sa montre connectée, baptisée Crossbow.
Le modèle dispose d’une caméra haute résolution, d’un micro, d’un thermomètre, de capteurs biologiques capables de mesurer les pulsations cardiaques, d’un système de reconnaissance faciale. Connectée au smartphone via wifi ou Bluetooth, elle indique appels, messages ou encore e-mails reçus. «Plus de 300 commandes ont déjà été passées sur notre site. La livraison se fera d’ici à juin. Puis nous nous lancerons dans la production de 150 000 pièces supplémentaires, vendues uniquement via l’internet. Nous travaillons au développement d’autres objets connectés, qui seront écoulés en boutique.»
Hyetis
Fondateurs: Arny Kapshitzer, 42 ans, Patrick Tran, 34 ans
Année de fondation: 2013
Collaborateurs: 5
Investisseurs: autofinancement






