Quantcast
Viewing all articles
Browse latest Browse all 8681

Donald Kaberuka "L’Afrique assure sa croissance grâce à ses propres forces"

Jeudi, 27 Mars, 2014 - 05:59

Développement. Avec un taux de croissance de 6%, le continent noir est le nouvel eldorado. Mais il pourrait faire bien mieux encore.

Alors que l’Europe sort lentement de sa longue crise et que les grands pays émergents traversent une phase de ralentissement, le continent noir affiche un taux de croissance moyen de 6% cette année, après une progression de 5% de son produit intérieur brut l’an dernier. L’analyse de Donald Kaberuka, président de la Banque africaine de développement.

Le rythme de croissance actuel est-il durable?

Certains pays avancent même beaucoup plus vite. Voyez l’Ethiopie, la Tanzanie. La conjoncture se tient donc remarquablement bien, qui tranche avec le ralentissement observé dans de grandes économies émergentes comme le Brésil et l’Inde. L’Afrique bénéficie d’une dynamique interne soutenue.

Laquelle?

Elle repose sur trois forces majeures. La démographie, qui conduit à une urbanisation accélérée, les progrès des technologies de l’information, en particulier des télé­communications, qui réduisent le coût pour faire des affaires, et les découvertes de gaz, pétrole et autres matières premières dans toutes sortes de régions.

Mais ce dynamisme n’aurait pas été possible sans les réformes économiques entreprises au cours des années 90 dans plusieurs pays. Elles ont jeté des bases saines pour permettre à l’Afrique de prospérer, et surtout de résister aux chocs venus d’ailleurs, comme celui de la crise financière de 2007-2009.
Sans les investissements étrangers, serait-elle soutenable?

Les investissements directs étrangers sont importants, bien sûr. Mais les fonds d’origine africaine prennent une part importante au processus. Ils ont pu prospérer après que le continent a mis de l’ordre dans son économie et renforcé ses banques.

La Chine assume un rôle moteur. Quel est-il exactement?

Les Chinois sont accompagnés d’entrepreneurs et d’investisseurs d’autres grands pays émergents, comme la Turquie. Le Brésil investit beaucoup, notamment au Mozambique. L’Inde est aussi très présente.

Quelle est la contribution des autres économies émergentes au décollage africain?

Les Chinois se concentrent sur les infra-structures et les ressources naturelles. Les Brésiliens sur l’agriculture. Les Turcs sur les technologies de l’information. Leurs efforts sont soutenus par la forte baisse du coût pour faire des affaires. Certes, le commerce intra-africain ne représente que 12% du total des échanges de notre continent, ce qui est très peu. Mais certaines régions s’en sortent mieux: en Afrique de l’Est, tournée vers l’Asie, cette part atteint 24%.

La partie anglophone de l’Afrique paraît plus dynamique que la partie francophone…

C’est faux. Je ne crois pas que cela soit une affaire de langue, mais de politiques économiques et de commerce régional. La zone la plus dynamique à cet égard est celle de la zone francophone des pays d’Afrique de l’Ouest, comme le Bénin, le Togo, le Burkina Faso, le Mali – avant la guerre – et même la Côte d’Ivoire, qui se reconstruit. Je suis beaucoup plus inquiet au sujet des occasions perdues dans le commerce transfrontalier.

Qu’est-ce qui les fait perdre?

L’intégration n’est pas facile à réaliser partout. Mais le modèle à suivre est celui du marché unique, un marché unique africain.

Le principal obstacle à la croissance, hormis les guerres, ne vient-il pas d’un manque de sécurité juridique?

Les contestations de propriétés de terres se voient partout en Afrique, surtout sous la pression de l’urbanisation galopante. Les pays offrent des cadres réglementaires incomplets. Les garanties de qualité et de bonne exécution sont également insuffisantes. Entre autres exemples.
 

L’Afrique demeure largement à l’écart de la définition du cadre réglementaire inter­national en matière financière et fiscale. Ne part-elle pas perdante sur ces points devenus essentiels?

Le problème de l’Afrique dans ce domaine ne vient pas d’un manque de régulation, mais de la fragmentation de ses marchés financiers. L’épargne ne circule pas d’un pays à l’autre, ce qui freine les investissements. Pourtant, cette épargne est importante: la fortune globale des fonds de retraite africains atteint 500 milliards de dollars. Mais elle est investie hors du continent, dans des marchés qui lui donnent la taille et la profondeur dont elle a besoin. Nous devons offrir à cette épargne les moyens d’investir en Afrique, en approfondissant les marchés financiers locaux. Cela passe par une meilleure intégration.

Et sur le plan fiscal?

Les pays africains doivent mieux coordonner leur fiscalité face aux multinationales, afin de leur offrir un régime stable sur le long terme. Sous l’effet de la concurrence, ils accordent des rabais fiscaux tels que, au bout du compte, les rentrées deviennent si faibles qu’elles ne couvrent même plus les coûts engendrés par la présence de ces entreprises. Enfin, les Etats doivent cesser de taxer les échanges commerciaux. Ils doivent mettre l’accent sur les impôts sur la consommation.


Donald kaberuka

Economiste formé à Glasgow, le président de la Banque africaine de développement a été élu à son poste en 2005 après avoir dirigé avec succès la reconstruction du Rwanda,
son pays, en tant que ministre de l’Economie entre 1997 et son accession à la tête de l’institution financière.

Edition: 
Rubrique Print: 
Image: 
Image may be NSFW.
Clik here to view.
Sandro Campardo / Keystone
Rubrique Une: 
Auteur: 
Pagination: 
Pagination visible
Gratuit: 

Viewing all articles
Browse latest Browse all 8681

Trending Articles