Troisème volet de notre série avec «Winner Take All». La deuxième puissance économique mondiale capture les canaux d’approvisionnement les uns après les autres, exerçant une pression sur le marché et sur les autres pays. Qui doivent réagir.
Il était une fois un pays riche en ressources naturelles mais dont le développement économique était resté très modeste. Un jour, il proposa à son voisin, un riche pays industriel, de l’aider à se développer. En contrepartie, il lui accordait l’accès à ses gisements pétroliers et miniers. Ce pays, c’est la Chine des années 70, concluant avec le Japon l’accord qui initiera son extraordinaire développement, raconte Dambisa Moyo, dans Winner Take All.
Contrôle des prix. Près de quarante ans plus tard, les rôles ont changé. L’Empire du Milieu, devenu «l’usine du monde» et qui a accédé au deuxième rang des grandes économies mondiales en 2010, joue le rôle du pays développé. Ses besoins en matières premières explosent. Ses partenaires pauvres sont les Etats d’Asie du Sud, d’Afrique et d’Amérique latine, au développement nettement moins rapide mais qui regorgent de ressources naturelles. Enchantés de l’intérêt que leur voue Pékin, ils lui accordent de larges accès à leurs pétrole, gaz, métaux de toute nature ou produits agricoles.
La multiplication de ces accords a permis à la Chine d’acquérir un immense pouvoir de négociation en se posant comme l’acquéreur majoritaire, sinon unique, de richesses naturelles. En étant accueillie parfois à bras ouverts. Il en a résulté un monopsone, situation où un acheteur unique met plusieurs vendeurs en concurrence, le contraire du monopole, où un vendeur unique est en relation avec plusieurs acheteurs. Dans un cas comme dans l’autre, la conséquence est la même: l’acteur unique a une totale maîtrise des prix.
La Chine s’y prend de trois manières pour consolider sa position: par des dons et prêts à ses partenaires, par des investissements et par le négoce traditionnel. Elle est ainsi devenue le premier partenaire commercial du Brésil et du Chili, les deux meneurs de l’Amérique latine, dépassant les Etats-Unis.
Graduellement, le pays acquiert la maîtrise de marchés stratégiques pour l’ensemble de la planète. De plus, il maîtrise de vastes ressources en eau potable vitales pour certains de ses voisins, notamment dans le sous-continent indien, du fait de son contrôle sur le Tibet, le château d’eau de l’Asie. Cela lui confère une position de force de moins en moins contestable par les autres pays.
Un pouvoir contournable. Ces derniers sont-ils en danger? Oui, dans la mesure où ils deviennent de plus en plus dépendants du bon vouloir de Pékin pour leur propre approvisionnement en matières premières. Et non, car le pouvoir grandissant de la Chine peut être contourné. La stratégie chinoise n’est pas, contrairement à ce qu’elle paraît de l’extérieur, centralisée à l’extrême. Mise en œuvre par une multitude d’acteurs publics et privés, elle est parfois brouillonne. Les traders en matières premières sont ainsi réputés pour donner des ordres d’achat et de vente parfois aberrants, voire carrément à l’envers du bon sens.
Mais surtout, les effets de la quête chinoise pour les matières premières peuvent être atténués par une baisse de la consommation de ces mêmes matières premières par les autres pays. Comment? En se mettant d’accord, à l’échelle internationale, sur des mesures d’économie. Et par la généralisation du recyclage. Notamment d’appareils d’apparence très anodine mais remplis de métaux rares, comme les téléphones portables.
«Winner Take All». Penguin, 230 pages.
Clik here to view.

Clik here to view.
