Impossible, pour un employé, de changer de caisse de pension. L’assuré peut néanmoins faire des choix qui lui permettront de profiter au mieux de ses avoirs. Explications point par point.
Les beaux jours reviennent pour les caisses de pension qui ont profité de l’embellie des marchés. Le rapport sur la situation financière des institutions de prévoyance 2012, publié par la Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle (CHS PP), est venu le confirmer. Le taux de couverture – cette mesure de la solvabilité des caisses – s’est amélioré: 90% des institutions de prévoyance sans garantie étatique affichaient un taux d’au moins 100% à fin 2012. Tandis que seulement 4% des caisses de pension ne profitant pas de la protection de l’Etat présentaient un risque élevé.
Dès lors, tout va-t-il bien pour le 2e pilier? Pas encore tout à fait. D’abord parce qu’il ne s’agit que d’un instantané, lié aux récentes performances des marchés financiers. Ensuite parce que ces chiffres ne sont que des moyennes, cachant de très grandes différences entre les caisses. Les institutions de prévoyance bénéficiant de la garantie de l’Etat (auxquelles sont en principe affiliés les fonctionnaires) ne sont ainsi que 27% à atteindre le taux de couverture de 100%.
e plus, divers éléments peuvent mettre les caisses de pension en difficulté, même si elles sont aujourd’hui à l’équilibre. Des éléments comme les promesses de rentes qui continuent d’être fondées sur des garanties d’intérêt relativement élevées (en partie imposées par la LPP), les risques de placement sous la forte pression des engagements existants et de l’extrême faiblesse des taux d’intérêt. Ou encore la structure d’âge de certaines caisses de pension comptant une forte proportion de rentiers, qui rend les assainissements difficiles en cas de sous-couverture.
Marge de manœuvre. Si l’on est affilié à l’une des caisses considérées comme à risque, on peut donc se faire du souci. D’autant que le salarié ne peut pas choisir son institution de prévoyance, ce qui réduit sa marge de manœuvre. Toutefois, l’assuré peut influer de manière significative sur son avoir de 2e pilier. Notamment en rachetant des lacunes de cotisation, en devenant propriétaire immobilier, ou en optant pour un retrait de son capital au lieu d’une rente à la veille de sa retraite. Autant de décisions qui doivent dépendre non seulement de l’état de santé de la caisse de pension mais aussi de la situation personnelle de l’assuré, de son revenu imposable, des moyens dont il disposera à la retraite. Voici les principaux éléments à prendre en compte lors de ces choix essentiels.
01 Le rachat de prestations
Les rachats de prestations permettent aux personnes qui n’ont pas suffisamment cotisé à leur 2e pilier au cours de leur parcours professionnel de combler leurs lacunes afin d’éviter que, à la retraite, elles n’aient que des rentes de vieillesse très modestes. Ces cotisations volontaires sont toujours possibles lorsqu’on entre dans une caisse de pension et, en principe, chaque année.
Ces rachats ne sont évidemment préconisés que si l’institution paraît apte à assumer ses promesses de prestations, comme l’affirme Roland Bron, directeur de VZ Vermögenszentrum Suisse romande: «Pour les caisses en déficit, nous recommandons la prudence. Si le taux de couverture s’avère inférieur à 95%, un rachat n’est en principe pas conseillé. Dans cette perspective, le rachat dans certaines caisses publiques qui affichent des taux de couverture très bas est à éviter.» On ne peut toutefois pas se limiter au seul critère du taux de couverture. Il faut également prendre en compte le niveau de la réserve de fluctuation de valeurs, soit ce qui doit servir de coussin en cas de chute des investissements risqués. Autrement dit, plus une caisse prend de risques, plus le taux de couverture doit être élevé.
Outre ces indicateurs, il faut aussi considérer la structure d’âge de l’institution de prévoyance. Une caisse qui compte une proportion élevée de retraités, et dont les rentes sont donc fixées jusqu’à leur décès, aura beaucoup de peine à redresser la situation en cas de difficultés.
Choisir le bon moment. Si, après examens de ces différents paramètres, les rachats s’avèrent justifiés, encore faut-il choisir le bon échéancier. La stratégie sera différente selon que la caisse applique un plan en primauté de prestations ou en primauté de cotisations (voir glossaire plus bas). En primauté de prestations (qui concerne essentiellement les caisses publiques), la rente est fixée par un taux de pourcentage du dernier salaire, tandis qu’en primauté de cotisations, elle sera calculée par l’accumulation des cotisations et du rendement des capitaux. En primauté de prestations, il est en principe recommandé de procéder aux rachats le plus tôt possible, car ils deviennent de plus en plus chers au fil du temps, contrairement à ce qui se passe dans les caisses en primauté de cotisations. En effet, dans ces dernières, le montant racheté est crédité sur l’avoir de vieillesse: le coût à la charge de l’assuré est donc identique quel que soit l’âge des rachats.
En primauté de cotisations, il peut même être intéressant de repousser le plus tard possible les rachats, surtout si l’institution de prévoyance n’assure que des rendements très faibles. Il pourrait en effet s’avérer plus judicieux d’investir ses économies sur d’autres instruments financiers (par exemple des actions dont le rendement peut être plus élevé), et de procéder aux rachats quelques années avant le départ en retraite. Mais, dans ce cas, pour ceux qui voudraient retirer leur capital, il faudra impérativement effectuer ces rachats au moins trois ans avant cette échéance, sinon, selon un arrêt du Tribunal fédéral, ces fonds pourraient être bloqués et ne plus être disponibles que sous forme de rentes.
Echelonner pour déduire. En termes fiscaux, la stratégie de rachat s’avère identique sous les deux régimes: le principe de base est d’éviter des rachats massifs en une seule fois, et plutôt de les échelonner sur plusieurs années. Non seulement parce que le versement pourrait dépasser le revenu imposable (par exemple si un héritage permet de réaliser un rachat important), mais surtout parce que l’impôt est progressif, c’est-à-dire que les déductions fiscales sont particulièrement avantageuses pour les tranches de revenus les plus hautes. Par exemple, un rachat de 100 000 francs étalé sur cinq ans à raison de 20 000 francs par an, pour un revenu imposable de 150 000 francs par an, permettrait une économie fiscale finale nettement plus élevée que si les 100 000 francs étaient rachetés d’un coup.
02 L’achat immobilier
Le 2e pilier a longtemps constitué une source de fonds propres pour les assurés qui voulaient accéder à la propriété, soit par le retrait pur et simple de l’avoir de vieillesse, soit par sa mise en gage. C’est encore le cas, mais de manière nettement plus restreinte depuis juillet de l’année dernière. En effet, les preneurs de crédit hypothécaire doivent désormais fournir au moins 10% de fonds propres provenant d’une autre source.
En d’autres termes, si vous voulez acheter un bien de 800 000 francs, il faut que vous posiez sur la table au moins 80 000 francs avant de pouvoir toucher à votre avoir de 2e pilier. Le but affiché par la Finma (surveillant des marchés financiers), qui a approuvé cette directive édictée par l’Association suisse des banquiers, est d’empêcher les candidats à la propriété aux moyens modestes de mettre «en danger leur capital de prévoyance et donc leur propre rente».
Cette restriction s’ajoute à celle de l’âge: le retrait ou la mise en gage de l’entier de l’avoir de vieillesse n’est possible que jusqu’à 50 ans. Au-delà, ce sera la valeur atteinte par son avoir de vieillesse à cet âge-là, ou la moitié de sa valeur actuelle (le montant le plus élevé des deux s’avère déterminant).
Placement plus sûr… Si vous disposez de ces fameux 10% de fonds propres hors avoir de vieillesse de 2e pilier et que votre caisse de pension fait montre d’un taux de couverture très déficitaire, vous pourriez en prélever une grande partie pour l’investir dans une acquisition immobilière, dans le but de mettre à l’abri ces fonds de prévoyance.
Cette stratégie n’est toutefois pas toujours possible. Le règlement de la caisse de pension peut en effet prévoir de limiter le versement anticipé dans le temps et d’en réduire le montant. A moins que la caisse soit vieillissante, c’est-à-dire que le nombre de rentiers croisse rapidement et qu’elle soit donc de plus en plus fragile à l’avenir. Dans ce cas, elle ne peut actuellement pas empêcher ses assurés de prendre la totalité de leur caisse de pension pour acquérir une résidence principale.
… sauf en cas de retournement. Dans la décision, il faut évidemment faire entrer l’évolution du marché immobilier, qui présente aujourd’hui des taux d’intérêt au plus bas et des prix qui ont atteint des niveaux stratosphériques sur l’arc lémanique, mais également sa situation personnelle. Aussi, Albert Gallegos, responsable du conseil patrimonial et prévoyance de la Banque cantonale de Genève, met en garde: «Si vous videz votre caisse de pension pour acquérir un bien immobilier, vous êtes exposé à un retournement de marché. Si, pour votre malheur, vous êtes victime d’un accident professionnel ou personnel et que vous êtes obligé de vendre à ce moment-là, vous risquez de perdre ce que vous aviez sorti de votre 2e pilier. Vous seriez alors doublement pénalisé.» Vous auriez ainsi échangé le risque de voir vos rentes de vieillesse réduites, contre celui de ne pas en avoir du tout!
A noter que la part du 2e pilier engagée dans un logement peut être remboursée auprès de sa caisse de pension. Au contraire des rachats, ces remboursements ne sont toutefois pas déductibles des impôts. Il faut par ailleurs avoir remboursé l’entier de ce qui a été sorti de la caisse avant de pouvoir procéder à de nouveaux rachats de prestations.
03 Le retrait du capital au lieu de la rente
A la fin de leur vie active, les futurs retraités peuvent prendre tout ou partie de leur avoir de vieillesse sous forme de capital, selon ce que permet le règlement de la caisse. Dans le régime obligatoire, les institutions de prévoyance sont contraintes de laisser partir les nouveaux retraités qui le souhaitent avec au moins un quart du capital, le reste étant converti en rentes de vieillesse. Quant à l’avoir surobligatoire, les caisses de pension peuvent n’autoriser aucun retrait. Nombre d’entre elles laissent cependant aux nouveaux retraités la possibilité de prendre la totalité de leur avoir de vieillesse.
Les caisses préfèrent généralement que les assurés prennent leur capital, car cela les dégage du risque dit de longévité, autrement dit que les personnes vivent très longtemps après leur départ en retraite. Concrètement, elles n’ont plus à assumer le versement des rentes aux assurés qui vont devenir très âgés. Mais, en creux, cela veut dire que ce risque doit être pris en charge par les retraités eux-mêmes.
Pour le couvrir, différentes options s’offrent à eux, à commencer par la souscription de rentes viagères privées, mais en retrouvant des taux de conversion qui seront au mieux à peine plus favorables que ceux qu’offrait leur caisse. Ou alors des investissements sur les marchés financiers, mais avec les risques qui leur sont liés, ou encore dans l’immobilier.
Question de solidité. Dans ce contexte, l’état de santé de l’institution de prévoyance n’est pas sans effet sur le choix qui s’offre aux personnes approchant de la retraite. Si l’on prend uniquement les caisses en primauté de cotisations, largement majoritaires, le point fondamental, c’est le taux de conversion. En effet, plus ce taux est bas, plus la rente sera faible.
Lorsqu’il s’agit de couples dont chacun des époux est affilié à une caisse différente, «on se pose souvent la question de savoir s’il faut prendre la rente ou le capital», explique Roland Bron. Dans ce cas, «cela peut faire sens que madame opte pour les rentes, si sa caisse de pension est en meilleure santé que celle de son mari, d’autant plus que les femmes ont une espérance de vie plus élevée que les hommes, tandis que son époux prendrait son capital».
En lien avec l’AVS. L’heure du départ en retraite peut également être influencée par l’état de santé de l’institution de prévoyance. On pourrait imaginer que certaines personnes se pressent pour sortir de la vie active afin de bénéficier de taux de conversion favorables, avant qu’ils ne baissent. A ce propos, Fabrice Welsch, responsable prévoyance et conseils financiers auprès de la Banque cantonale vaudoise, explique: «C’est un calcul qui doit être effectué en relation avec l’AVS. Si vous avez un conjoint qui prend également une préretraite, vous allez sans doute hésiter parce que vous devrez continuer à payer vos cotisations AVS. Alors que si votre conjoint est plus jeune, vous n’aurez plus à le faire car c’est lui qui s’en chargera.»
On rappellera qu’il suffit que la personne en activité paie plus du double de la cotisation AVS minimale, soit 960 francs par an, pour que son conjoint sans activité lucrative en soit exonéré. Par ailleurs, note encore Fabrice Welsch, «jusqu’à récemment, les cadres supérieurs partaient entre 58 et 60 ans. Mais, aujourd’hui, les gens ont tendance à rester plus longtemps pour ne pas subir une baisse trop marquée de leurs prestations vieillesse.»
GLOSSAIRE
Primauté de prestations
Une caisse de pension applique un plan en primauté de prestations en fixant a priori un taux de rente en fonction du dernier salaire, par exemple 60%, lorsque l’assuré arrivera à l’âge de la retraite.
Primauté de cotisations
Dans ce type de plan, les rentes futures des assurés seront déterminées par l’accumulation des cotisations et du rendement des capitaux.
Taux de couverture
Rapport entre les actifs nets de la caisse de pension et les engagements de la prévoyance, ainsi que les provisions techniques, qui couvrent les risques de longévité et d’invalidité.
Taux de conversion
Dans le cadre du 2e pilier, c’est le taux appliqué à l’avoir de vieillesse accumulé par l’assuré, déterminant sa rente annuelle en cas d’invalidité, de décès (pour les survivants) et pour la vieillesse.
Prévoyance surobligatoire Prévoyance qui va au-delà de ce qui est prescrit par la LPP et qui peut être appliquée au bon vouloir des caisses de pension, dans certaines limites.
3e pilier lié (3a)
Prévoyance individuelle facultative bénéficiant d’importants avantages fiscaux, mais soumise à de fortes contraintes. Elle est limitée aux assurances vie et aux comptes ou dépôts de prévoyance.
La prévoyance surobligatoire: Une aubaine pour les indépendants à revenu élevé
Alors que de nombreux salariés s’inquiètent de l’avenir de leur caisse de pension, et par ricochet de leur prévoyance vieillesse, les indépendants n’ont en principe pas ce souci. Ils n’ont aucune obligation de s’affilier à une institution de prévoyance professionnelle. Ils privilégient souvent un ou plusieurs produits de 3e pilier lié, qui bénéficient également d’importants privilèges fiscaux. Concrètement, les cotisations peuvent être déduites jusqu’à hauteur de 20% de leur revenu AVS, mais pour un maximum de 33 696 francs par an. Autrement dit, ils peuvent, à l’instar de toute personne active, bénéficier de 6739 francs par an de déductions grâce aux produits de 3e pilier lié.
Plus avantageux que le 3e pilier. Mais les indépendants à haut revenu auraient tort de renoncer au 2e pilier: les déductions fiscales maximales du 3e pilier lié s’avèrent comparativement très modestes par rapport à celles qui sont possibles dans un plan de prévoyance surobligatoire. Si le salaire assuré maximal – autrement dit la base de calcul pour les cotisations et les prestations – dans l’assurance obligatoire n’est que de 59 670 francs par an, quel que soit le salaire effectif, ce plafond peut monter jusqu’à 842 400 francs dans un plan surobligatoire!
En d’autres termes, un salarié ou un indépendant qui dégagerait un tel revenu, et qui bénéficierait d’un plan de 2e pilier aussi généreux, pourrait verser des cotisations annuelles allant jusqu’à 168 400 francs, soit 20% de son revenu. Entièrement déductibles de son revenu imposable! Le 2e pilier surobligatoire constitue donc une véritable aubaine pour tout indépendant à haut revenu, lui permettant d’engranger un maximum d’économies fiscales.
L’indépendant pourrait encore profiter de la possibilité de procéder à des rachats sur la base du salaire assuré maximal, donc jusqu’à 842 400 francs. Fiscalement, il serait alors gagnant sur tous les tableaux: il profiterait immédiatement d’une forte réduction d’impôt par sa cotisation annuelle, qui pourrait être accrue en cas de rachat. Alors qu’il n’y a aucune possibilité de rachat dans le 3e pilier lié.
Enfin, cerise sur le gâteau, l’indépendant pourrait aussi déduire de son revenu soumis à l’AVS la moitié de la cotisation qu’il verse au titre du 2e pilier. C’est d’autant plus intéressant que l’AVS est sans doute l’assurance sociale la plus redistributive. Tout montant qui dépasse 84 240 francs n’est pas constitutif de prestations pour l’assuré. Toute déduction constitue donc un pur bénéfice.
À CONSULTER
- Le guide de votre prévoyance 2013 (e-book), Pierre Novello, juin 2013, Genève, ou la version papier 2012, Ed. Pierre Novello
- La prévoyance professionnelle suisse depuis ses origines, Meinrad Pittet et Claude Chuard, Ed. Slatkine, 2013, Genève
- Une cure de jouvence pour la prévoyance vieillesse – Propositions de réforme du deuxième pilier, Jérôme Cosandey et Aloïs Bischofberger, Avenir Suisse et Ed. du Tricorne, 2013, Genève
- Site internet de l’Office fédéral des assurances sociales: www.bsv.admin.ch




